Quand l’industrie devient tout un art !

 

Label-Industrie

Label-Industrie

C’est l’histoire de la folie d’un roi qui a su exacerber le génie créatif des hommes aussi bien dans la technique que dans la nature.

Son château, le château de Versailles, est indissociable des fameuses « Grandes eaux » réparties dans tout le parc et ses bosquets. Avec toujours plus de fontaines et de jets, le parc en comptera jusqu’à 1400. L’approvisionnement en eau sera une préoccupation constante dès le début de l’aménagement des jardins car le site choisi de Versailles est une zone marécageuse loin de toute source importante d’eau vive. Il faudra donc d’importants travaux d’hydraulique pour aller chercher l’eau.

Le château n’était pas à proximité immédiate d’une rivière et se trouvait à 142 mètres au-dessus de la Seine, distante de plusieurs kilomètres…À cela s’ajoutera un problème technique, car au milieu du XVII e siècle, les connaissances en hydraulique n’ont guère progressé depuis l’Antiquité.

Néanmoins pour obtenir des jets toujours plus hauts, différentes techniques seront utilisées au fil des années.

D’abord les tuyaux de bois seront remplacés par des tuyaux de plomb puis par une matière nouvelle et moins onéreuse, le fer de fonte. Les techniques de pompage et d’acheminement d’eau vont également se perfectionner, comme la machine de Marly pour pomper l’eau de la Seine ou le niveau optique pour mesurer les pentes sur de longues distances.

Label-Industrie

Label-Industrie

Le premier système hydraulique du château sera constitué d’un modeste réservoir de 100 m3, alimenté par une pompe mue par un cheval et tirant l’eau de l’étang de Clagny. S’y ajouteront 3 moulins à vent puisant l’eau dans l’étang par une chaine à godets la mettant ainsi à une hauteur suffisante pour l’acheminer sur les terrasses nord du château.

Ce premier système hydraulique permet d’alimenter la douzaine de fontaines alors existantes et le roi inaugure le 17 aout 1666 les premières « Grandes eaux » de Versailles.

Mais le roi veut rajouter d’autres fontaines et jets. Pour cela on décide de détourner les eaux de la Bièvre. On installe alors un siphon en fonte et un aqueduc. Puis Pierre-Paul Riquet propose au roi de construire un canal amenant l’eau de la Loire à Versailles. L’idée est séduisante. Mais Colbert, qui doute du projet, charge l’abbé Picard membre de l’académie des Sciences de faire un relevé du nivellement de la pente. Celui-ci a mis au point un niveau à lunette  permettant une précision de mesure de 1 cm par km alors que les précédents instruments n’autorisaient que 10 mètres par kilomètre. Ces mesures vont montrer l’infaisabilité du projet, le niveau de captage de la Loire à l’endroit prévu par Riquet se révélant plus bas que celui du site de Versailles.

L’abbé Picard, en prospectant les environs de Versailles, constate que les plateaux de Trappes et de Bois d’Arcy sont plus hauts que les réservoirs de Versailles. Les pluies alimentent quelques mares qui s’évacuent vers la Bièvre au travers de deux ravins. Colbert fait alors construire un aqueduc de 1 500 mètres, traversant en partie la colline de Satory. Les travaux sont achevés en 1678. Les fontaines du parc peuvent alors fonctionner plusieurs heures par jour, tous les jours !

L’idée de pomper l’eau de la Seine, fleuve ou rivière importante la plus proche du domaine de Versailles existait depuis plusieurs années. Mais la distance de 10 kilomètres et surtout le dénivelé de 142 mètres, exigeaient de concevoir une machine monumentale et coûteuse pour pomper l’eau et l’amener jusqu’aux réservoirs de Versailles. Un ambitieux entrepreneur liégeois  Arnold de Ville et une équipe de charpentiers construisent la machine de Marly qui est inaugurée en présence du roi et de la cour.

machinemarly.org

machinemarly.org

La machine de Marly se révélant insuffisante, une autre source d’approvisionnement est cherchée. Monsieur de la Hire démontre la « faisabilité » de détourner une partie des eaux de l’Eure.

Les travaux débutent en 1685, Ils emploieront jusqu’à 30 000  hommes. Deux aqueducs sont construits pour franchir l’Eure, l’un de 1 000 mètres de long et l’autre de 5 000 mètres de long. Les travaux sont interrompus au printemps 1688. 6000 hommes sont morts de la fièvre paludéenne l’année précédente, mais surtout la France est entrée en guerre et cela durera 9 ans.

En 1685 avec l’arrêt des moulins du Val, ceux de Clagny arrêtés l’année précédente et la machine de Marly consacrée à l’alimentation des jardins du château de Marly, Versailles n’est plus alimenté que par le réseau gravitaire.

Le roi meurt en septembre 1715. . À la fin du règne de Louis XIV les jets d’eau consomment 6 300 m3 à l’heure. Mais le nouveau roi, encore mineur, et la cour s’installent à Paris. Le réseau hydraulique n’est plus entretenu. Des branchements sauvages sont réalisés et la promiscuité avec les eaux usées provoque maladies et épidémie.

En 1950, l’aqueduc de Buc est mis hors service. En 1977, l’aqueduc de Trappes est partiellement détruit avec l’extension de la ville. À ce moment, les eaux du parc de Versailles fonctionnent en circuit fermé, une pompe électrique pompe l’eau du grand Canal et réalimente les réservoirs du parc, l’eau de pluie apportant le complément. En 1981 une pompe plus puissante est installée qui alimentera également le bassin de Montbauron où des deux bassins restants, un alimente les fontaines.

Arrive la tempête de 1999 qui détruit près de 40% des grands arbres des 9 bosquets du parc…la nature ayant horreur du vide, il est alors décidé de lancer un concours pour inventer un nouveau bosquet du XXIe siècle. Le premier, le Bosquet d’Eau va donc être réaménagé grâce au concours gagné en 2012 par le paysagiste Louis Benech et le sculpteur Jean-Michel Othoniel.

Label-Industrie

Label-Industrie

Sur les 1,5 ha du bosquet 73 417 végétaux vont être plantés et surtout 3 sculptures fontaines (constituées de 1751 perles en verre soufflé à Bâle et Murano et de 22000 feuilles d’or) vont voir le jour en référence au monde de la danse et de la musique que le roi Louis XIV affectionnait tant.

Contrairement au système général des fontaines et bassins de Versailles, tous interdépendants et qui fonctionnent selon un principe gravitaire, le nouveau Bosquet d’Eau opère, seul, en circuit fermé. La pompe manipulable à distance et enfouie dans le sous sol du jardin utilise une eau très adoucie pour préserver les sculptures.

Label-Industrie

Label-Industrie

Ces magnifiques sculptures sont la réplique de véritables mouvements de danses retrouvés dans les carnets de la cour du roi. Et elles peuvent être appréciées avec ou sans les jets en action.

La boucle est bouclée, le roi peut reposer en paix pendant que les jets d’eau s’élèvent haut dans le ciel et que les boules dorées écrivent leur musique.

Label-Industrie

Label-Industrie